jeudi 30 avril 2009

Les masques de Kodiak


Le Château-Musée de Boulogne-sur-Mer possède une collection exceptionnelle de masques et objets Sugpiaq (ou Alutiiq), culture de l’Archipel de Kodiak en Alaska, qui lui a été offerte en 1875 par Alphonse Pinart.

Kodiak est une grande île côtière située au large de la côte méridionale de l'Alaska, c'est la terre ancestrale des Koniaga, une nation Alutiiq. Les Russes furent les premiers Européens à l'explorer.
En 1871, 4 ans après que l'Alaska -longtemps baptisé Amérique Russe- ait été vendu par Alexandre II aux Etats-Unis d'Amérique, Alphonse Pinart, jeune boulonnais de dix-neuf ans, parti du port de Boulogne pour un long périple, débarque dans cette grande île montagneuse de presque 9 000 km², couverte de forêts et entourée de baies profondes.
Linguiste et ethnologue, il parcourt l'archipel à la recherche d'objets inuits.
Outils en bois et en os sculptés, lunettes de soleil à fente en ivoire de morse, robes en peaux de poisson cousues et peintes, parkas en parois d'estomac de phoque et masques pour les rites des chamans, il ramènera, outre une série d'observations ethnographiques, une moisson d'objets, tous plus ou moins liés à la vie spirituelle de ce peuple de chasseurs-pêcheurs, qu'il lèguera pour la plupart au musée de sa ville natale.




Témoins d'une culture aujourd'hui disparue, ces masques, qui représentent la partie la plus remarquable de la collection, étaient fabriqués chaque année pour le festival d'hiver, le théatre de Kodiak, qui consistait en des cérémonies renvoyant à des rites de chasse, à la commémoration des morts, à la célébration de la guerre -passée ou à venir- ou à l'investiture d'un chef.
Les chamans s'en servaient pour accompagner leurs danses et leurs chants afin d'entrer en communication avec les esprits des morts et des animaux.
Le cycle rituel commençait vers le mois de novembre ou décembre et se poursuivait aussi longtemps que le permettaient les réserves de nourriture accumulées jusque là.
A la fin des cérémonies les masques étaient brûlés.
Alphonse Pinart pu en récupérer un bon nombre et sa collection, avec plus de quatre-vingts masques, tous différents, plus ou moins grimaçants et farceurs, présente un intérêt considérable, recelant les deux tiers des pièces Kodiak existant au monde.
La Kunstkamera de Saint-Pétersbourg en possède une dizaine, le musée de Seattle sept, et la Smithsonian Institution de Washington seulement quatre.
En novembre 2002, avant qu'il ne cède la place au Musée des Arts Premiers, le Musée National des Arts d'Afrique et d'Océanie leur a consacré son ultime exposition, "Kodiak, Alaska. les masques de la collection Alphonse Pinart", et édité à cette occasion un gros catalogue illustré de photos magnifiques et accompagné de textes aussi érudits que passionnants sur l'histoire et les traditions des Sugpiaq.
Les Alutiiq ou Sugpiaq, aussi appelés Yupik du Pacifique, réclament de plus en plus qu'on leur rende ces objets, car si pour nous ce sont des œuvres d'art dignes d'un musée ou d'une galerie, pour eux ce sont des éléments de la vie quotidienne, une part de leur histoire directement héritée de leurs ancêtres, loin de toute considération marchande ou purement esthétique.


mercredi 29 avril 2009

Jeux à déguster


Publié en 1983 par Flammarion, "L'artichouette" de Michael Schuyt et Joost Elffers est une petite merveille de livre qui n'a malheurement jamais (ou pas encore ?) été ré-éditée... mais qu'on peut -en cherchant bien- trouver chez quelques revendeurs d'occasions.
En matière d'introduction on y savoure un bel historique, à la fois synthétique et remarquablement fourni, sur le Eat-art et toutes les "déviances" artistico-culinaires. Il y est bien évidement question de Daniel Spoerri et de tous ces artistes du courant néo-réaliste, Pierre Restany en tête, Raymond Hains... ("humanistes de la sociologie contemporaine"), mais on y trouve également Arcimboldo (véritable ancêtre du Eat-art ?) avoisinant la chambre à coucher en pain de Salvador Dali réalisée par Lionel Poilâne, l'inventive cuisine japonaise aux côtés de Joséphine Baker sobrement vêtue d'une guirlande de bananes, les petits marchands ambulants -thé, cacahuètes-, les crânes en sucre du jour des morts au Mexique... et toutes les fêtes et rituels de tous les pays du monde, Pâques, christianisme primitif et fêtes païennes.
Suit une longue série de réalisations aussi drôles que belles, illustrées de magnifiques photos sur fond noir et agrémentées en fin d'ouvrage d'un mode d'emploi, conci et fort joliment rédigé par Sally Foy, propre à guider le lecteur émerveillé dans la réalisation tous ces petis trésors de gourmandise, encore plus beaux à regarder que bons à manger.
Les carottes se transforment en voitures de courses, les citrons en cochons, les radis en petites souris roses et rondelettes gambadant sur des montagnes de purée plantées d'arbres brocolis, on y apprend à écrire en mangeant des frites, mais aussi à sculpter le beurre ou faire de la gravure sur peau d'orange, à couper une pomme ou une banane avant même de l'éplucher, à façonner des pains de Pâques, à faire des décorations dignes des plus grands restaurants japonais (oignons lotus ou chrysanthèmes, boutons de roses en radis, jardin de roses en pelures de raifort et betterave), bien évidemment à faire des lanternes citrouilles ou mandarines, et de quoi organiser des goûters d'anniversaires inoubliables en déguisant des boules de glace en petits clowns savoureux!





Maintenant, pour en avoir fait l'expérience il y a quelques années avec mon "jeune premier", je me dois de dire que certains enfants (particulièrement esthètes ?) hésitent à commettre le sacrilège de planter leur petites quenottes dans ces oeuvres d'art... Avis aux parents !

dimanche 26 avril 2009

Glou glou...

En attendant lundi et parce que je n'aime pas le dimanche
Parce que le ciel est un peu gris et que le pluie menace
En matière de clin d'oeil à la dame aux gambettes bleues...
A trois on plonge !

Glou !

vendredi 24 avril 2009

Qui regarde qui ?

« Au bout de l’avenue
s’ouvrait un œil de bœuf sur l’espace... »
Pierre Halet



Cyclope échevelé,
un oeil regarde un oeil...
Haguenau, mars 2009

jeudi 23 avril 2009

Du rôle des femmes...

Je ne suis pas féministe, loin de là, mais en découvrant le site de Denise Ortakales il y a quelques années à propos des illustratrices anglo-saxonnes je n'ai pu m'empêcher d'admirer toutes ces femmes qui, à une époque où il était de bon ton de rester à la maison pour s'occuper de sa progéniture et des travaux ménagers, avaient choisi de mettre leur talent au service de l'édition...
Et qu'on ne me dise pas que le métier d'illustrateur est un métier facile, comme si travailler chez soi rendait les choses plus simples !
Essayez de préparer une blanquette tout en réfléchissant à la mise en couleurs des aventures de "Jojo et Paco" ou "L'enfant du métro", ou passez le balai d'une main tout en griffonant de l'autre et à la hâte quelques idées propres à illustrer les aventures de Tipo le singe et Bamouto l'éléphant !
Et surtout, prenez garde à rester attentifs à vos chères petites têtes blondes (chez moi elles sont plutôt brunes) alors que l'ombre noire des délais imperturbables plane sur vous à la manière d'une épée de Damoclès !!
Les images sont parfois un peu passées de mode, mais j'imagine, ou plutôt je sais, le temps et la patience qu'il faut pour les mettre au monde.
Alors pour le plaisir des yeux et en hommage à leur talent, voici une toute petite revue de poche (la mienne), de celles qui -sans doute- ont bercé notre enfance et l'enfance de nos enfants, mais parfois aussi celle de nos parents... et probablement celle de nos grand-parents.
Et pour moi l'occasion de dire combien j'aime les illustratrices et illustrateurs anglais, ceux d'hier comme ceux d'aujourd'hui.
Arthur Rackham, Edmond Dulac, Winsor McCay, William Heath Robinson, John Rowe et tant d'autres... ?
Loin de moi l'idée de les renier, c'est juste une autre histoire, chaque chose en son temps ! Mais rien n'empêche d'aller faire un tour ICI ou en attendant.

Florence Edith Storer



L'incontournable Béatrix Potter
et son "Pierre Lapin"


Elizabeth Shippen Green



Jessie Willcox Smith



Et plus proche de nous
Barbara Firth


Jill Barton avec son désopilant
"Cochon dans la mare"...


... et son fabuleux "Caterpillow Fight".


Et la meilleure de toutes (selon moi)... Anita Jeram
avec "Entrez dans la danse", ou l'histoire d'une famille
qui danse le manbo des petits loupiots !


Sans oublier le merveilleux "All pigs are beautiful"


... et l'indispensable "Devine combien je t'aime"

mercredi 22 avril 2009

Béatrice Lechtanski

« Choses qui vous parlent sans vouloir vous parler, qui n'ont nul souci de vous, dont aucun dieu ne saurait faire ses messagères.

Fragments brillants du monde, allumés ici où là.
Mi-parti d'orange et de bleu, de soleil et de nuit.

Ou très tendre regard, feu et nuit, qui se serait posé sur vous un instant. Pour la toute dernière fois... »


Philippe Jaccottet - Extrait de "Et néanmoins".




Divines images
Beauté éphémère,
Espèces d'espaces...

"La beauté convulsive sera érotique-voilée, explosante-fixe, magique-circonstancielle ou ne sera pas."
André Breton - "L'Amour fou".

L'album de Béatrice Lechtanski est à consulter ici ou .


mardi 21 avril 2009

Haute-couture pour fées



David Ellwand est un photographe britannique, passionné par le floklore et les légendes du monde des fées et des lutins.
Il a débuté sa carrière de photographe à l'âge de dix-huit ans et a consacré une grande partie de son temps à photographier les fleurs.
Il raconte qu'un jour, après avoir travaillé avec des lis calla, il oublia de les remettre dans l'eau. Alors qu'ils commençaient à sécher naturellement, il remarqua comment l'un d'entre eux ressemblait à une petite chemise de soie. Il eut l'idée de tourner et former les fleurs, et les modeler d'après les modèles de vêtements suggérés par leur forme organique. A travers cette expérimentation méticuleuse, il éprouva la courbe des plumes qui formaient une boucle parfaite, l'incurvation naturelle des pétales de fleurs et la façon dont les lis demi-séchés pouvaient être travaillés dans toutes sortes de formes.
Le plus difficile était de faire en sorte de pouvoir manipuler ce matériel délicat -fleurs, plumes, feuilles, herbes, écorces, fougères, coquilles et autres éléments naturels-, sans le détruire.
En outre il paraissait évident que ses créations minuscules avaient besoin d'être photographiées immédiatement, avant qu'elles n'aient commencé à se faner et se flétrir.
C'est ainsi que, petit à petit, germa l'idée d'un ouvrage consacré aux habits féériques, «Fairie-ality» («Défilé de fées» pour la version française), livre conçu de façon exquise, le catalogue clin d'oeil de mode pour les fées branchées, véritable petite merveille d'édition composée à 6 mains avec Eugénie Bird, rédactrice de mode, et David Downton, dessinateur de mode connu pour être associé aux noms les plus prestigieux, Dior, Chanel, Valentino, Lacroix..., et pour avoir travaillé avec des revues telles que Vogue, Elle ou Marie Claire.

Le livre contient plus de 150 modèles destinés aux fées, tenues de rêve aux couleurs douces et chatoyantes, tailleurs chics, robes de bal, chapeaux, chaussures, maillots de bain, sous-vêtements féeriques, rien n'a été oublié, pas même la robe de la mère de la mariée en plumes d'oie et canard mélangées, soulignée par des boutons en coquilles d'escargot... tout simplement à tomber !
La présentation elle-même n'est pas en reste avec des jeux de pliages et de textures, des pages cartonnées, des pages de papier calque pour d'élégants effets de transparence, une jolie carte glissée dans une pochette diaphane... pour ainsi dire un livre objet.
Les commentaires sont frais et plein d'humour, alliant le modernisme des slogans publicitaires à la poésie de cet autre univers qu'est la mode, et les photos sont accompagnées d'aquarelles magnifiques avec ça et là quelques lignes empruntées à Shakespeare ou Thomas Percy.

Tablier d'artiste - Feuilles de maïs


Robe de mariée - Plumes et lys mélangés

lundi 20 avril 2009

Papier précieux



Récemment j'ai découvert sur le web le travail d' Ana Hagopian, jeune femme d'origine argentine qui, après avoir suivi des études artistiques à Buenos Aires et beaucoup voyagé, est venue s'installer à Barcelone.
Elle travaille le papier comme d'autres forgent le métal.
Orfèvre à sa manière, elle crée de magnifiques bijoux en papier et textiles divers, aériens et fluides, où la matière découpée, gaufrée, encolée, sculptée, moulée, enroulée, se décline dans un éventail de couleurs puissantes et sobres.
Son travail oscille entre deux facteurs constants : l'allusion au monde naturel où elle trouve son inspiration dans les formes organiques et leur richesse chromatique; et les matériaux qu'elle utilise, les papiers et les différents types de textiles comme le coton et le feutre.
Ana raconte que déjà enfant elle aimait découper toutes sortes de matières avec ses ciseaux et rapportait de ses jeux en forêt des feuilles, des graines et des cailloux qu'elles considérait comme de véritables trésors.
Elle était fascinée par ces formes et ces couleurs meveilleuses que seule la nature sait créer.
Ses bijoux sont d'une extraordinaire légèreté, ils ne contiennent aucun métal mais sont robustes bien que d'apparence fragile.




samedi 18 avril 2009

Matières à rêver


Manon Gignoux est styliste et plasticienne.
Diplômée de l’Ecole des Arts Appliqués Duperré, elle crée des vêtements et des sculptures en tissu qui sont de véritables objets d'art, objets emmaillotés, colliers, accessoires, installations...


En explorant le temps au travers des vêtements des travailleurs du début du 20ème siècle, elle en observe les traces que l’usage a imprimé dans les plis, les drapés, les déchirures, les froissure, les empiècements, les ravaudages et les raccomodages, l’altération et les mouvements répétés et comme fossilisés dans la toile, la création involontaire faite par l'empreinte des gestes...
Elle glane aux Puces -souvent dans les rebuts, où elle dit trouver les plus belles choses-, vêtements anciens et métrages de tissus, assortis de pièces rapportées de voyages mais aussi de la maison de sa grand-mère qui est une maison de famille depuis 7 générations et dans laquelle elle aime partir en exploration...
Sa matière première est faite de vêtements, tissus et objets ré-utilisés, et gardent la mémoire de leur premier usage, chaque matière suggérant images ou souvenirs, racontant des histoires à réinventer, mais elle est faite également de matériaux contemporains, retravaillés par la teinture, le pli, l’usure... auxquels elle donne une nouvelle fonction.
Entre ses doigts tout est rêverie et transformation du réel.



Entre récupération, détournement et décalage esthétique, ses créations illustrent la rencontre et la confusion entre vêtement, corps et décor.
Les vêtements qu'elle crée existent par eux-mêmes et parfois pour eux seuls, ils n'ont pas toujours pour vocation d'être portés et s'apparentent alors d'avantage à des sculptures.
Ainsi son œuvre prend une grande distance par rapport à l’univers de la mode et du luxe et se pose en rupture de ton avec le vêtement uniquement esthétique et relevant d’un rêve consumériste.
Elle réalise aussi des costumes de scène et habille les gens du cirque, de ces cirques poétiques qui ont fait le renouveau des arts du spectacle.

vendredi 17 avril 2009

Le train des nuages

Tren a las Nubes.

Le train qui relie Salta, au nord-ouest de l'Argentine, à San Antonio de Los Cobres emprunte l'une des voies ferrées les plus spectaculaires du monde.
À plus de 4 000 m d'altitude, frisant parfois les 4900 m, passant sur des viaducs, enjambant des précipices, se frayant un passage dans un somptueux décor de lacs salés, de déserts et de montagnes colorées sur fond de ciel bleu, le "chemin de fer General Manuel Belgrano" conçu par l'ingénieur américain Richard Maury entre 1921 et 1948 sous la présidence d'Hipólito Yrigoyen, traverse les vallées andines et les hauts plateaux de la Cordillère des Andes dans un parcours vertigineux qui donne parfois l'impression d'aller côtoyer les nuages.
Construite à grands frais à travers l'altiplano argentin, sa réalisation fut une véritable prouesse technique. Un système fait de 21 tunnels, 13 viaducs en fer, 2 tronçons en boucles et zig-zag et pas moins de 29 ponts, lui permet d'enjamber des ravins sur plusieurs centaines de mètres, de se cramponner à la paroi rocheuse, et d'escalader des pentes vertigineuses sans avoir recours aux crémaillères.
Le viaduc de la Polvorilla au terminus de la ligne est à 4200 m d'altitude, il fait 224 m long et 70 de haut, et pèse 1600 tonnes.

En 1971 les autorités eurent l'idée d'un train touristique sur cette ligne, et le 16 juillet 1972 eut lieu le voyage inaugural de ce qui allait s'appeler le Tren a las Nubes ou Train des Nuages.


Bien que la voie ferrée existe toujours, pour des raisons de sécurité et au vu de la vétusté de certaines installations, seule la circulation des trains de marchandises y est maintenue. Ceux-ci disposent cependant, outre les fourgons réservés au fret, d'un unique wagon voyageurs qui permet de contenter une poignée de touristes et les quelques locaux qui viennent vivre au milieu de ces déserts.

Mais dés 1949, dans "Le temple du soleil", Tintin fit l'expérience de son parcours vertigineux, bien avant qu'il ne s'appelle Le train des nuages.


 
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