mardi 30 juin 2009

Aloys Zötl


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Le guépard, 7 avril 1837

Au début de l'hiver 1955, Aloys Zötl est un parfait inconnu.
Cependant il va sortir de l’anonymat les 14 et 15 décembre, quand la galerie Durand-Ruel expose cent cinquante de ses aquarelles en vue de leur vente à Drouot, le 19 du même mois, sous le marteau de Maurice Rheims.
Dans la Gazette datée du 9 décembre, un encart précise que "Les ravissantes et curieuses aquarelles [sont] à sujet de personnages et d’animaux, dont la plupart peuvent rappeler les oeuvres de Redouté ou du douanier Rousseau".
Le 23 décembre, on peut encore y lire que l’ "étonnante galerie d’histoire naturelle" a en effet suscité des enchères vivement enlevées –entre 7 000 et 190 000 francs, soit entre 140 et 3 700 euros– pour «des animaux qui semblent enfermés dans une profonde tristesse et qui exercent pourtant une étonnante fascination».

La seconde vente de l’atelier Zötl aura lieu le 3 mai 1956, avec d'autant plus de succès que le catalogue est cette fois-ci préfacé par André Breton.
"Faute de tout autre détail biographique en ce qui le concerne, on ne peut que rêver très librement à ce qui put conditionner l’entreprise de cet ouvrier teinturier de Haute-Autriche qui, de 1832 à 1887, mit un tel zèle à dresser le plus somptueux bestiaire qu’on eut jamais vu".
Breton écrit plus loin : « Zötl était entré en possession d’un prisme mental fonctionnant comme un instrument de voyance et lui dévoilant en chaîne jusqu’à ses plus lointains spécimens le règne animal, dont on sait quelle énigme il entretient en chacun de nous et le rôle primordial qu’il joue dans le symbolisme subconscient

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Le dronte, 5 juin 1859 - © Musée du Dodo

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Le caïman, 7 octobre 1849

Les détails de la vie d'Aloys Zötl ont finalement été retrouvés grâce à l'écrivain Vincent Bounourre, dans les archives de famille et les vieux papiers des états civils de deux villages de la Haute-Autriche.
Né à Freistadt -un bourg des contreforts des monts de Bohème- le 13 avril 1803, teinturier comme son père, il s’installe à Eferding, dans la vallée du Danube, à une quarantaine de kilomètres de son bourg natal.
Probablement n'est-il jamais allé jusqu’à Vienne, pas plus qu'à Linz pourtant proche.
Mais un beau jour d'octobre 1831, cet homme du commun reproduit une hyène d’après un des livres d’histoire naturelle, d’ethnographie ou de voyage, qui composent sa bibliothèque. Depuis ce jour il ne se lasse pas d'admirer et de peindre les animaux et leurs plumes, leurs fourrures, leurs livrées bigarrées.
Il n’est pas tout à fait fidèle à ses modèles, leur conférant ainsi cette inquiétante étrangeté qui -un siècle plus tard- subjuguera André Breton, le pape du surréalisme.
Les aquarelles s’enchaînent, toutes signées et minutieusement datées (le jour, le mois et l'année).
Son oeuvre ne connaît aucun changement, on peut permuter librement les dates sans jamais altérer son oeuvre, les dates notées dans les marges étant moins les éléments d'une chronologie que des prélèvements faits sur le calendrier, qu'il exécute avec le même scrupule qu'il a à porter ses dépenses et recettes sur les livres.
Zötl semble ne suivre aucune logique et alterne les différents genres du règne animal, et ce jusqu’au 3 octobre 1887, soit dix-huit jours avant son décès.

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Le boa constrictor, 16 mai 1836

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Le babiroussa, 5 novembre 1847

Dans le livre magnifique consacré à l’artiste par les éditions Franco Maria Ricci en 1976, Julio Cortázar souligne : "Au fond, nous ne savons rien des animaux et Zötl a infiniment raison de corriger la version officielle"...
Une version brochée est parue en 1979, en co-édition avec la Société Nouvelle des Editions du Chêne, accompagnée d'un texte d'introduction signé Giovanni Mariotti.

vendredi 26 juin 2009

De l'art de manier le carton


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Fiat 500, colle et carton, 2002-2004

Chris Gilmour s'intéresse aux matériaux recyclés, et plus particulièrement au carton.
Né en 1973 à Stockport au Royaume-Uni, ce plasticien britannique vit et travaille à Udine en Italie. A partir de tonnes de cartons recyclés, il recrée toutes sortes d'objets, usuels ou mythiques, en taille réèlle, de l'Aston Martin DB5 si chère à l'agent 007 à la fabuleuse Fiat 500, en passant par les engins à deux roues -motos, scooter Lambretta et bicyclettes- et les objets du quotidien, cafetière italienne, machine à écrire Olivetti, piano, fauteuil de dentiste, chaise roulante, horloges, microscopes... sans aucune structure de support, ni de bois ni de métal.
A la manière d'un sculpteur, il utilise le carton comme d'autres le marbre ou le bronze, et fignole ses créations avec un souci du détail qui frise l'obsession.

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MOKA - 2002

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Bicyclette (détail) 2003

Ses réalisations sont presque plus belles que les originaux, exaltées par la sobriété du matériau, et nullement encombrées de détails colorés.
Mais loin d'être un simple processus de reproduction, son oeuvre retourne les objets à leur juste valeur, dans une volonté de compréhension et d'appréciation de notre réalité quotidienne. Il y a dans cette mise en oeuvre une façon de s'approprier le réèl pour mieux l'appréhendrer, construire un rêve, non sans humour, presque comme un enfant qui rejouerait des histoires.

Chris Gilmour expose essentiellement en Italie, mais on a pu le voir également à New-York... et à Mulhouse à la Cité de l'Automobile, dans le cadre de l'exposition "Pleins Phares" en 2007.

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Fiat 500 (détail)

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ASTON MARTIN - 2006

Crédits photos : Chris Gilmour

jeudi 25 juin 2009

Sculpter avec la lumière


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Fred Eerdekens sculpte des mots dans un patient travail de mise en scène qui tient à la fois de celui du typographe et de celui de l'illusionniste, de celui qui avec ses mains sait faire naître au mur et avec une simple lampe une armada d'ombres chinoises.
Pour cela il met en oeuvre, à la façon des anamorphoses, tout un jeu de formes disposées selon des orientations savamment calculées.
Boîtes, constructions, boucles de fil de cuivre, amas cotonneux et feuillages en apparent désordre jettent, sous l'influence d'une source lumineuse, une phrase, quelques mots, qui viennent s'inscrire sur un support externe.
En définitive, peu importe la matière utilisée, c'est la mise en scène qui importe. A la manière d'une image en creux, jouant sur l'ombre et la lumière, le texte vient traduire ce que ses installations préfigurent, comme si toute parole mystérieuse ne pouvait avoir un sens qu'une fois bien éclairée.
Fiat lux !

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Crédits photos : Fred Eerdekens

mercredi 24 juin 2009

Le monde merveilleux de Starewitch


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Crédit photo : Léona Béatrice Martin-Starewitch

Magicien de la ciné-marionnette, grand parmis les pionniers du cinéma d’animation, s'il n'a pas véritablement inventé ou initié le procédé de l'animation en volume, Ladislas Starewitch est néanmoins reconnu pour avoir donné au genre ses lettres de noblesse et imposé une tradition avec ses poupées et ses pantins filmés image par image.
Né en 1882, contemporain du français Emile Cohl, il fut le premier réalisateur russe de dessins animés.

Dans ses films Starewitch a créé un univers magique, fait de poésie, d’humour et d’humanisme, mais qui prend sa source dans un quotidien souvent trivial, parfois naturaliste, et d'un réalisme en opposition avec les mondes purement fantastiques qui illustrent habituellement le cinéma d’animation.
En cela il est bien plus proche de l'univers des contes populaires, dans lesquels la fonction initiatique fait traverser au héros toutes sortes d'épreuves, obstacles en apparence insurmontables, énigmes à résoudre, morts et résurrections... et s'ordonnent autour de deux pôles antagonistes, le bien et le mal, matérialisés par des personnages et par leur ethos. Ils posent le problème d'ordre moral : le héros doit lutter pour résoudre le conflit posé par cette dualité.
Du point de vue scénaristique c'est parce qu'il arrive du malheur au personnage principal qu'il va déployer les qualités nécessaires pour s'en sortir, ce que Syd Field appelle plot-point ou point de non-retour. L'idée n'est pas nouvelle, on trouve déjà ce principe dans le théatre d'Aristote, l' hamartia, qui est une faute commise par le héros permettant le renversement du malheur au bonheur, ou du bonheur au malheur.



Le visionnage des parties 2 et 3 continue ici et .
Cette version comporte la musique originale, à la
différence des autres versions trouvées sur sur YouTube.

« Fétiche la mascotte » répond à cette tradition du conte merveilleux. A première vue douce et enfantine, c'est aussi une animation riche en personnages sataniques.
A l'instar de Pinocchio, Fétiche le petit chien est une peluche inerte qui va prendre vie, animée par les larmes d'une mère en plein désarroi. Ému, il va tout faire, jusqu'à croiser le diable, pour rapporter une orange à la petite fille et faire revenir un sourire dans cette famille minée par la pauvreté.
Alors qu’en compagnie d’autres jouets il est emmené dans un magasin pour être vendu, il parvient à s’enfuir avec ses compagnons. Ils se retrouvent dans un lieu étrange où le diable organise une fête à tout casser.
Dans la deuxième partie, Fétiche est confronté à des créatures tout droit sorties de l’enfer : poulet et poisson squelettes, légumes démoniaques... et une foule de personnages qui, dans une ambiance cabaret, se livrent à de joyeuses débauches.
Un des jouets de l'histoire est un souteneur qui extorque au sens propre de l’argent à un singe, alors que celui-ci fait du gringue à une poupée.

Ce film tourné en 1933 emprunte une part de sa fantaisie à l'univers des contes d'H.C. Andersen et de Carlo Collodi (Pinocchio paraît pour la première fois en 1881). Il sera à son tour une prodigieuse source d'inspiration pour toute une lignée d'animations sur le thème des jouets :
Hermina Tyrlova réalise en 1946 "La Révolte des jouets", la même année "Rêve de Noël" naît sous les doigts du Méliès Tchèque Karel Zeman, et sera primé comme « meilleure animation » au festival de Cannes.
Plus proche de nous on pense inévitablement à "Toy story" réalisé par les studios Pixar, mais Tim Burton surtout fût très impressionné par l'inventivité de ce créateur de génie et par sa merveilleuse capacité à insuffler une âme à des objets, découvert grâce à Rick Heinrichs. Conseiller visuel et co-réalisteur de "Vincent", celui-ci s'était fait un devoir d'en projeter les films à toute l'équipe pour trouver l’inspiration de "L'Etrange Noël de Mr. Jack", dont certains des personnages sont un hommage à Fétiche mascotte.
Adulé par Terry Gilliam, Peter Lord ("Wallace et Gromit") ou Ray Harryhausen, Starewitch est un de ces rares génies qui ont offert au cinéma de nouveaux horizons.

Cliquer pour agrandir dans une nouvele fenêtreNé à Moscou de parents polonais, Ladislas Starewitch a passé son enfance et une partie de sa vie à Kovno en Lituanie.
D'abord professeur d'histoire naturelle, curieux de tout, s’intéressant au théâtre, à la photographie, à la peinture et au dessin, c'était aussi un grand passionné d'entomologie au point d'avoir filmé en 1910, image par image, un combat de scarabées reconstitué à partir des animaux naturalisés du Musée des Sciences de Kovno, Lucanus Cervus, qui lui valut la réputation de savoir dresser les insectes.
Il s'installa par la suite à Moscou où il monta en 1912 son premier studio de cinéma pour y réaliser d'autres films avec des insectes animés, des adaptations des Fables de La Fontaine ("Le rat des villes et le rat des champs", "La cigale et la fourmi"...), mais également des longs métrages.
Sa réputation s'accrut rapidement sur le plan international.
Très prolifique, il réalisa avant la première guerre mondiale une douzaine de films d’animation et une cinquantaine de fictions.
Après la révolution Russe il quitta Moscou pour s’installer définitivement en France, et pendant les 40 dernières années de sa vie se consacra exclusivement à l'art de la marionnette dans son nouveau studio d’animation à Fontenay-sous-bois. Il s'est éteint en 1965.

lundi 22 juin 2009

Quand les doigts s'emmêlent 
au lieu de s'en mêler...


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" Alors, ça vient ? "

samedi 20 juin 2009

Lyndie Dourthe


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Elle tient de l'entomologiste et du naturaliste, de l'anatomiste, et un peu du taxidermiste.
Puisant son inspiration parmis les formes précieuses et complexes des insectes et des courbes florales, Lyndie Dourthe compose avec papiers et tissus légers d'étonnantes petites figures, entre gri-gri et grimoires, objets uniques, inanimés et précieux, en séries soigneusement classées, triées, étiquetées et rangées par familles dans des boîtes en carton peint, à la manière des collections naturalistes.

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« Un peu de botanique, un peu de vaudou, un peu d’anatomie et un zeste de superstition... l’atelier de Lyndie Dourthe est un cabinet de curiosités minuscules. »

Son oeuvre est comme un livre d'images en relief, faites de matières passionément collectées, papier ciré, organdi, tulle, ouatine et toile de coton.
Avec une légèreté désarmante, elle invente un monde, enchanteur et enchanté, à mi-chemin entre la magie incantatoire et les souvenirs d'expédition, une sorte de musée du souvenir conjugué semble-t'il à l'imparfait du subconscient, dans un language fait de douceur et de sensualité et avec un sens de la couleur particulièrement subtil.

Lyndie Dourthe est diplomée des Arts Appliqués.
Elle a créé une bague fleur pour Kenzo et des décors de vitrines pour Van Cleef and Arpels.

jeudi 18 juin 2009

An award in my courtyard

Je découvre ce matin que Ciorane m'a décerné un prix, quelle jolie façon de se réveiller, j'en étais toute espantée !
Et moi grande néophyte, qui ne savait pas que de telles choses existaient... je m'en vais de ce pas l'installer sur ma cheminée, juste entre l'Hippotragus leucophaeus et le Cervus elaphus corsicanus. Ahh la blogosphère !

Merci Ciorane pour cette charmante attention, j'en suis très touchée.


A mon tour je décerne le One lovely blog award à :

   • Eudoxie pour la finesse et la délicatesse de ses dessins.
   • Rose chiffon pour son humour déjanté qui me fait mourir de rire même si elle ne le sait pas.
   • Marie les bas bleus pour ses jolies créations et son esprit malin.
   • Clothogancho pour toutes les merveilles qui naissent de ses doigts et pour sa jolie plume.
... et à toutes celles et ceux que je ne cite pas, mais vers chez qui je pousse mes petits nuages et que je visite parfois en silence.

J'en profite pour remercier tous ceux qui, jour après jour, me font le plaisir de leur visite.

mercredi 17 juin 2009

De l'art d'accomoder les restes


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Terrains bleus

Caroll Bertin es une artiste qui développe un travail textile autour de vieux vêtements qu'elle fait renaître sous forme de bas-reliefs et de volumes. Ils sont à la fois source de son inspiration, et matériau de base à l’instar de la peinture : rangés par couleurs ils constituent sa palette, usant de teinture ou de peinture, pour estomper ou au contraire pour réveiller l'une ou l'autre de ses nuances.
Sculptant à partir des reliquats de nos moeurs vestimentaires, elle joue sur toute la gamme des possibles, composant aussi bien avec les accords de textures qu'avec les différentes parties de ces matières au rebut : fermetures éclairs, poches, boutons et boutonnières...

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Poignée lustrée


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Bateau de plaisance

L'oeuvre de Caroll Bertin s'inscrit dans cette nouvelle vague d'artistes oscillant entre art Brut et art singulier, quelque peu inspirées semble-t'il par le travail d'Anette Messager ou de Louise Bourgeois, comme Valérie Dupont, Patricia Berquin, Claude Fromenty ou Manon Gignoux...

Son mode de vie est inséparable de son œuvre. A l’heure de la rigueur économique et du développement durable, il constitue une proposition intéressante, autant pour ce qui concerne la préservation de l’environnement que celle de la dimension culturelle, cette manière de créer échappant à toute convention marchande et s'appuyant sui generis sur les dépouilles de la société de production.

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Salle d'attente

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Maternité rouge

Merci à Clothogancho grâce à qui j'ai découvert cette artiste.

lundi 15 juin 2009

Segundo de Chomón

Cherchant des documents sur Ladislas Starewitch (un des maîtres russes de l'animation en trois dimensions, et modèle incontesté pour Tim Burton), je suis tombée par hasard et avec un total émerveillement sur un autre de ces grands novateurs de l'aventure des images animées que l'histoire a relégués dans l'ombre.

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Segundo de Chomón, né en 1871 à Teruel en Espagne, fait partie de ces pionniers particulièrement inventifs qui ont fait le bonheur du cinéma aux heures de ses balbutiements, et dont on ne parle plus beaucoup à moins d'être spécialiste, hormis en Espagne où il reste une figure mythique, au même titre que Méliès pour le cinéma français.

Après avoir commencé des études d'ingénieur à Saragosse, il s'installe successivement à Madrid où il réalise ses premiers films, puis à Barcelone où il collabore entre autres avec Pathé pour des travaux de colorisation. A la demande de son principal commanditaire, il s'installe à Paris dés 1905 où il découvre émerveillé le Cinématographe des Frères Lumières. Il y travaille -sous le nom de Chaumont- à la mise au point d’un système de coloration industrielle : le Pathécolor, et réalise pour Méliès des mises en couleurs, tout en continuant à enrichir sa propre filmographie.

Kiriki - Acrobates japonais, réalisé en 1907, à l'origine en noir et blanc, est colorisé après coup dans une gamme de nuances subtiles qui réhaussent la magie du trucage, soulignent les mouvements des personnages à les rendre plus lisibles, et apportent une grâce indéniable à ce petit film drôle et émouvant.



A visionner également ici pour une meilleure définition.

Virtuoses de la pyramide humaine, ces acrobates s'élancent avec adresse pour de savantes figures et d'extravagants sauts périlleux.
On découvre rapidement que toutes ces cabrioles ne sont que du bluff, elles sont en réalité filmées depuis le haut de la scène, tandis que les personnages évoluent à l'horizontale, couchés sur un grand tapis.
Mais quelle adresse et quelle inventivité, pour un résultat qui tient plus de l'effet optique que du trucage !
Un petit chef d'oeuvre d'animation, qui sous des apparences bouffonnes n'en est pas moins imprégné d'une extrême poésie.

Maîtrisant admirablement les effets et les cadrages, inventeur de merveilles, grand novateur, artiste-artisan et poète à la création débridée, pouvant s'adapter à toutes les situations, réalisant fictions, féeries, documentaires et actualités avec une habileté hors du commun mais n'abusant jamais de la technique, Chomón possédait également le sens de la lumière, talent qui se révéla d'avantage encore dés lors qu'il se mit à travailler sur la couleur, créant de nouveaux pigments et affinant sa palette, expérimentant de nouveaux procédés de colorisation des images en croisant différentes formules et méthodes (virage, teintage, pochoir, pinceau...), le tout avec une esthétique particulièrement subtile et une grande précision au niveau des détails, ce qui fit de lui un maître incontesté dés son arrivée à Paris.
Sorte d'homme-orchestre, génial touche-à-tout, doué d'une maîtrise peu commune en matière de production de film, passant du scénario au montage, et de la la mise en scène à la photographie et aux trucages -en partie grâce à d'ingénieuses surimpressions-, innovant, expérimentant sans cesse, ce bel aragonais aux doigts d'or, portant costume, cravate et chapeau, fumant le cigare avec distinction, apporta notamment sa collaboration technique aux trucages et effets spéciaux du Napoléon d'Abel Gance en 1927, peu de temps avant sa mort. On lui attribue le premier travelling du cinéma dans Cabiria de Giovanni Pastrone (Italie, 1914)

Cliquer pour agrandir dans une nouvelle fenêtreEn 1905 il réalise Electric Hôtel, d'esprit totalement surréaliste, qui fit rêver Breton, Buñuel et Desnos.
Dans ce petit film de 4 minutes et demi se manifestent des phénomènes surnaturels : les valises s'ouvrent d'elles-mêmes, les habits se suspendent seuls dans une armoire, la femme est coiffée par une main invisible et les chaussures du mari se cirent comme par enchantement... on est cependant encore bien loin de l'époque où Cocteau réalisera La belle et la bête.
Les rôles sont tenus par Chomón lui-même et son épouse Julienne Mathieu, une des premières actrices du cinéma muet.



(La mise en route a tendance à patiner,
dans ce cas pousser légèrement le curseur vers la droite pour y remédier.)

Comme un miroir magique, son univers enchanteur s'est dévoilé sur l'écran pour disparaître après la première guerre mondiale. Segundo de Chomón s'est éteint à Paris en 1929, âgé seulement de 58 ans.
Mais comme on le sait, les spectres reviennent toujours hanter les lieux qui leur étaient chers...

samedi 13 juin 2009

À vos ciseaux - (suite)

Petit rappel pour les timides qui n'osent pas se lancer, et scéance de rattrapage pour les petits nouveaux qui auraient loupé le sujet.
Un défi intitulé 100 papiers a été lancé le 27 mai dernier, la note se trouve ici ou (click !).

Pour résumer, vous avez jusqu'au 31 août pour découper, déchirer, plier, coller, coudre, mâcher, fouler, piétiner, enluminer... du papier ou du carton de récupération afin de réaliser une oeuvre dans le plus pur style récup'art, petite ou grande n'importe, et la présenter en photo éventuellement accompagnée d'une petite note explicative.
Un grand rayon de soleil, deux pierres, trois fleurs et un oiseau, une lame de fond, un pantalon, une porte avec son paillasson, une douzaine d'huîtres, une écurie de courses, une plage à marée basse, un collier nouilles en papier, une vache à lait, un raton laveur... l'imagination n'a pas de limites.
Soyez discrets, exubérants ou convenables, sauvages ou civilisés, vertueux, fantasques ou déraisonnables, mais surtout lâchez-vous, oisiveté bien ordonnée commence par soi-même !

Des idées en vrac pour le plaisir de fouiner, imper en photos de magazines, guirlande lumineuse en alvéoles de boites d'oeufs en carton (ampoules à leds vivement recommandées), pomme découpée dans un vieux livre, vase en papier recyclé, ballotin en papier collé-cousu...

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Pour vous inscrire il suffit (toujours et encore) de laisser un message ici ou chez Marie les Bas Bleus qui présente d'autres idées sur son blog.

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Mise à jour de la liste des participants


   • Akä : Du parti des myosotis
   • Alfred : Les voyages immobiles de Madame Alfred
   • Amélie : My Daruma
   • Angèle : Mam'zelle Angèle
   • Anne : Nain de jardin
   • Bénédicte : L'Aiguille Etourdie
   • Célouloute : Les petites créations de Célouloute
   • Christine : Les Créas de Nine
   • Christophe : La Chose de Mme Thénardier (Mr bas Bleus)
   • Ciorane la pauvresse : La cuisine de quat'sous
   • Cobaltines : Chiffons et Gourmandises
   • Corinne : Autour du lin
   • Eolune : Eolune et ses lutineries
   • Flemmarde : Le blog de la flemmarde
   • Graines de Madeleines
   • GrandSev : Au bonheur des ours
   • Grëllou
   • Hélène : Perla créations
   • Jenny : Aux Deux Mercières
   • Jojotte : Les bidouilles de Jojotte
   • Juan Olaf : Les aventures du comte Van der Biloute
   • Kate Coto : Fantaisie à gogo
   • Kokinos : Dame la lune
   • K.ro : Miss Yayas
   • L'araignée : L'araignée Fauchée
   • La Zine : Les fleurs de Zine
   • Les créas de Val
   • Lily : Lily la Fleur et sa Grande Soeur
   • Lorencel : Couleurs et Gourmandises
   • Margotte : L'escale de Margotte
   • MissKer
   • Natalibé : Les petites poupées de Nathalie
   • Oumloqman : Comme un papillon
   • Pipistrelle : Pipistrelle, Ribambelles et Bout d'Ficelles
   • Rumi : Fils et p'luches
   • Simone (celle à Roger) : Rose Chiffon
   • Sarah : Tibaba.ch
   • Valérie : Parfum du Ciel
   • Véronique : Boitémoi
   • Marie : Marie les Bas Bleus
   • Minie : De La Course Des Nuages

... (à suivre)

jeudi 11 juin 2009

Tithi Kutchamuch


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Dans la tradition romaine -qui faisait commencer l'année en mars- chaque mois de l'année était associé à une fleur.

Janvier - Oeillet
Février - Violette
Mars - Jonquille
Avril - Marguerite
Mai - Aubépine
Juin - Rose
Juillet - Tulipe
Août - Pavot
Septembre - Liseron
Octobre - Cosmos
Novembre - Chrysanthème
Décembre - Orchidée

Tithi Kutchamuch, créatrice et designer qui vit à Londres et dont les concepts sont d'une logique formelle et d'une éblouissante simplicité, a créé cette collection de 12 bagues-fleurs en papier, à monter soi-même tout au long de l'année, une pour chaque mois avec la fleur qui lui correspond.
Elles sont imprimées sur du papier 200 gr blanc et texturé, issu d'enveloppes recyclées.
Le design en est très beau, et même si la chose en soi est éphémère, après tout elle dure... ce que durent les roses.

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mercredi 10 juin 2009

De l'origine des grenouilles et
de la grenouille comme origine


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« La poussière naît de la nuit. Elle en a le velouté, l'ombre rose, la délicatesse, l'infini bruissement, l'existence légère et diaphane. Longtemps elle en prit, comme elle, un aspect démoniaque. Car on crut, jusqu'à la fin du XVIIème siècle et même au-delà, à une origine poussièreuse des êtres vivants : c'est le mythe de la génération ex putri. C'est-à-dire qu'il pouvait naître, des excréments mélancoliques et de la putréfaction, toute une série de petits animaux articulés, d'"entomates" repoussants et nuisibles, d'indomptables colonies d'insectes vauriens et d'assassins sans pitié, bref tout un arsenal malfaisant qu'engendraient la corruption des cadavres et les sucs malins du sperme fétide ou du sang corrompu. Et, comme les esprits malins, ces abominables produits des ténèbres, de la corruption et du mal formaient tous une "ordure diabolique". C'est ainsi, selon Giambattista Della Porta (De la magie naturelle, 1589), que la génération des grenouilles se fait de façon merveilleuse "à partir de la poussière et de la pluie putréfiées". Vieille idée que l'on trouve déjà dans L'histoire des animaux d'Aristote et que reprit efficacement à son compte le christianisme médiéval. Ce monde de la génération spontanée flirtait avec le "monde de l'à-peu-près". Mais la poussière et l'à-peu-près ont toujours été les meilleurs amis du monde.
... »
Jean-Luc Hennig - Beauté de la poussière (Editions Fayard, 2001)

A la lecture de cet extrait savoureux, comment ne pas penser à Jean-Pierre Brisset (1837-1919), "Prophète des Grenouilles", Prince des penseurs, génial inventeur de la ceinture-caleçon aérifère de natation à double réservoir compensateur, grammairien, mais aussi et d'abord pâtissier, militaire et professeur de langues vivantes, ce visionnaire solitaire qui un beau jour s'était donné pour mission de dévoiler la Grande Loi¹ cachée dans la parole, après avoir forgé cette conception de l'évolution humaine pour le moins surprenante :
L'homme descend de la grenouille !

Puisant son inspiration dans les grandes religions, il créa une mythologie qui allait permettre de révéler à tous les origines de l'espèce humaine et du language, et à rebours, sur le devenir-homme des grenouilles...
Au commencement était l’eau - les mers, les rivières, les lacs, les étangs et les marais- où les grenouilles, ancêtres des hommes, vivaient en paix...
Dans La Grammaire logique (1883), ouvrage qui était destiné à résoudre toutes les difficultés linguistiques, et à enseigner par l’analyse de la parole aussi bien la formation des langues que celle du genre humain (calembours, jeux de mots, analyse systématique et insolite des mots), Jean-Pierre Brisset parle ainsi des origines de l'homme :

« [...] Voici donc comment eut lieu la création.
...
La création de Dieu n’est pas l’homme animal, c’est l’homme spirituel qui vit par la puissance de la Parole et la parole a pris son origine chez le bi-archiancêtre, la grenouille, il y a plus d’un million et moins de dix millions d’années. Les grenouilles de nos marais parlent le français, il suffit de les écouter et de connaître l’analyse de la parole pour les comprendre car tout son instinct exprime un même mouvement chez les animaux comme chez les hommes.
...
Tant que la grenouille ne fit qu’être grenouille, son langage ne se développa pas considérablement, mais aussitôt que les sexes commencèrent à s’annoncer, des sensations étranges, impérieuses, obligèrent l’animal à crier à l’aide et au secours, car il ne pouvait se satisfaire lui-même, ni amortir les feux qui le consumaient. »

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Photo © Martine Schnoering

Sur l'origine du language il développe tout un processus qui s'articule sur des jeux d'homophonie, de quoi y perdre son latin (« un de ces infâmes argots ! »)
« Il existe dans la parole de nombreuses Lois, inconnues jusqu'aujourd'hui, dont la plus importante est qu'un son ou une suite de sons identiques, intelligibles et clairs peuvent exprimer des choses différentes, par une modification dans la manière d'écrire ou de comprendre ces noms ou ces mots.
Toutes les idées énoncées avec des sons semblables ont une même origine et se rapportent toutes, dans leur principe, à un même objet. Soit les sons suivants:

Les dents, la bouche.
Les dents la bouchent,
l'aidant la bouche.
L'aide en la bouche.
Laides en la bouche.
Laid dans la bouche.
Lait dans la bouche.
L'est dam le à bouche.
Les dents-là bouche

Si je dis: dents, la bouche, cela n'éveille que des idées bien familières: les dents sont dans la bouche. C'est là bien comprendre le dehors du livre de vie caché dans la parole et scellé de sept sceaux.
Nous allons lire dans ce livre, aujourd'hui ouvert, ce qui était caché sous ces mots: les dents, la bouche.
Les dents bouchent l'entrée de la bouche et la bouche aide et contribue à cette fermeture: Les dents la bouchent, l'aidant la bouche.
Les dents sont l'aide, le soutien en la bouche et elles sont aussi trop souvent laides en la bouche et c'est aussi laid. D'autres fois, c'est un lait: elles sont blanches comme du lait dans la bouche.
... »
(La grande loi ou la clef de la parole, repris dans l'Anthologie de l'humour noir d'André Breton, Editions du Sagittaire, 1940)

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Reste à savoir ce que sont devenues les dents des grenouilles...
L'oeuvre est assurément extravagante. Il n'empêche que ce petit batracien qui appartient à la famille des Anoures est bien un ancêtre de l’homme, et que l'habitat primitif de l'homme (le liquide amniotique) est bel et bien aquatique !
Et il faut reconnaître que l'analyse du language selon Brisset n'est pas si éloignée de l'analyse freudienne de l'interprétation des rêves... Il arrive que les mots soient prononcés sans que l'on en comprenne toujours le sens.
Quant à la grenouille d'Hennig, faite de poussière et de pluie putréfiées, on en revient toujours à l'aphorisme "Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras poussière ..."

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¹Jean-Pierre Brisset - La grande nouvelle, In-folio de 4 pages.
Editions Chamuel - 1900.

mardi 9 juin 2009

Walton Ford ou le goût de l'étrange


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Les aquarelles de Walton Ford pourraient passer pour l'oeuvre d'un de ces fameux peintres animaliers ou naturalistes voyageurs du XVIIIème, or il n'en est rien puisqu'il est né... en 1960, à New York.
Très jeune il se passione pour les animaux, et après des études cinématographiques il entame une carrière d'aquarelliste.
Mais plutôt que de se contenter d'une simple représentation descriptive avec ce réalisme brillant et rassurant qui le rapproche sans conteste du style d'Audubon, de John Gould, ou même d'Aloys Zötl, il ajoute à son bestiaire sauvage des détails qui donnent au contenu une atmosphère d'inquiétante étrangeté, quelque peu dérangeante et parfois à la limite du sordide, empreinte d'élans mortifères, où se profile souvent l'imminence de dangers... Une dinde piétinant un petit oiseau, un vol de pigeons enragés s'acharnant sur une branche d'arbre, un paon dont la queue prend feu et sur le dos duquel des corbeaux attendent probablement l'heure du festin, un tigre attaqué par des abeilles...
Le tout forme une alchimie singulière, vibrante d'intensité, mélange inattendu de cruauté et de beauté sauvage dans une sorte de fatalité imperturbable, transportant ainsi le spectateur halluciné dans un monde de rêves et de cauchemars avec une candeur qui ferait douter par moment de sa propre perception et des intentions de l'artiste.

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Ses peintures sont peuplées de buffles, de lions, de singes, de serpents et de toutes sortes de bêtes sauvages, mais il semblerait que Ford soit plus particulièrement attiré par les oiseaux et la primitivité reptilienne.

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dimanche 7 juin 2009

La nouille dans tous ses états


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Pour mettre la nouille à l'honneur -n'en déplaise au regretté Desproges- et célébrer l'un des évènements les plus perceptibles du calendrier, je ne résiste pas à l'envie d'afficher ici quelques oeuvres à vocation populaire en forme d'accumulation archéo-poétique...

Des nouilles ? Encore ?
Mais pour quoi faire ?
Des colliers...

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Pâtes et nouilles de couleurs chez Pic'Nouille

... toujours des colliers,

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Agnès Propeck - “Le collier de la Reine”.
Exposé en juin 2007 à l’occasion de la 5e édition
du Parcours Saint Germain,
«SWEET’ ART ou L’Art de la Gourmandise».

... mais bien d'autres choses encore.

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- Portrait d'une fête chargée d'histoire.
Traditionnellement, la fête des mères se célèbre le dernier dimanche de mai sauf lorsque celui-ci coïncide avec la Pentecôte ; elle est alors reportée au premier dimanche de juin.
Un demi siècle fut nécessaire, en France, pour officialiser cette manifestation.
Dès 1806 Napoléon évoqua la possibilité d'une fête des mères officielle, mais c'est en mai 1920 que le ministre de l'Intérieur instaura la première Journée Nationale des Mères de familles nombreuses, destinée à récompenser ces mères exemplaires qui "travaillaient" au repeuplement de la France.
En avril 1926 eu lieu la première cérémonie officielle, avec remise des médailles de la Famille Française.

Cependant, les premiers germes apparaissent dans les sociétés anciennes. Ainsi dans la Grèce antique, au printemps, éaient organisées des cérémonies en l’honneur de Rhéa, femme de Cronos et mère de tous les dieux.
Dans la mythologie romaine, Rhéa est assimilée à Cybèle, l’aïeule de tous les dieux ; elle est surnommée la déesse des Bérécynthes.
A Rome, justement, jusqu’au Vème siècle avant Jésus-Christ, au mois de juin, étaient célébrées les « Matralia », la fête des femmes et des mères. Rassemblées au temple de Mater Matuta, la « Mère du Matin », les romaines offraient à la déesse des galettes jaunes symbolisant le soleil, puis portaient dans leurs bras les enfants de leurs sœurs et non pas les leurs.
L’émergence de la religion chrétienne fit peu à peu disparaître ces coutumes païennes.

En Grande-Bretagne, entre le XVème et XVIIème siècle, lors du «Mothering Sunday», organisé d’abord au début du carême puis au quatrième dimanche de printemps, les mères qui travaillaient comme domestiques dans les familles fortunées avaient droit à un congé pour retourner à leur domicile et passer cette journée avec leur famille.
Cependant, la véritable origine moderne de la Fête des Mères arrive des Etats-Unis.
En 1872, l’écrivain Julia Ward Howe lance l’idée -à Boston- d’octroyer un jour de l’année aux mères, afin de les célébrer.
Jugée trop originale, l’initiative est assez rapidement abandonnée avant d’être reprise en 1907 par Anna Jarvis, une habitante de Philadelphie. Elle demande aux autorités de Virginie qu’un office religieux en l’honneur de toutes les mères soit organisé chaque second dimanche de mai, date anniversaire de la mort de sa propre mère. Cette fois, la coutume prend son essor, le Président Woodrow Wilson l’officialise en 1914 par un décret, et la fixe de fait au 2ème dimanche de mai.
En 1917, les soldats américains, engagés sur le vieux continent dans la première guerre mondiale, envoient des cartes à leurs mères à l’occasion de la Fête des Mères et exportent ainsi le concept.
En fait, l’idée germe en France depuis quelques années. Dès 1897, l’Alliance Nationale contre la dépopulation suggère de fêter les familles nombreuses. Ainsi, fleurissent quelques « Fêtes des Enfants » où l’on récompense plus l’enfant, fruit de l’union, que la mère qui lui a donné le jour.
En juin 1906, à l’initiative de « l’Union fraternelle des pères de familles méritants » d’Artas, en Isère, se déroule la première célébration des mères avec remise de diplômes et décorations aux plus méritantes.
Le 16 juin 1918, est créée la première « Journée des Mères », à Lyon. Plusieurs familles reçoivent des récompenses, certaines offertes par le Président de la République.
Le 9 mai 1920, dans un contexte de politique nataliste, le ministre de l’Intérieur autorise la première « Journée Nationale des Mères de familles nombreuses ». Une collecte publique est organisée avec succès, dont les fonds récompensent les familles qui repeuplent la France. Cette année-là, des enseignants d’Alsace proposent à leurs élèves de fabriquer un objet et de rédiger un compliment en l’honneur de leur maman.
Le succès grandissant de cette manifestation conduit le gouvernement à décider la mise sur pied, chaque année, de la «Journée des Mères», dont la première cérémonie se tient le 20 avril 1926 avec remise de médailles.
En 1941, le régime de Vichy inscrit la Fête des Mères au calendrier. La nouveauté est qu’on y honore toutes les mères, famille nombreuse ou pas.
Mais le texte de loi instituant la fête des mères ne sera publié qu'en 1950, le 24 mai, signé par le Président de la République Vincent Auriol.


S'ouvre alors une ère nouvelle, celle des colliers de nouilles amoureusement confectionnés par des générations de petits et grands enfants !

- Le Conservatoire des Curiosités, compagnie de théâtre de rue et musée itinérant des patrimoines imaginaires, met en valeur ces petits chef-d'oeuvres de poésie brute que sont les breloques en pâtes alimentaires, grâce aux compétences de l'inénarrable 'conphérencière' Mademoiselle Morot.
"Le cadeau de fête des mères, élément récurrent de « l’art scolaire » et des patrimoines familiaux peut-il encore être considéré comme déclencheur d’imaginaires ? ".
Humour, poésie et décalage.

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Et en guise d'ultime clin d'oeil, deux jolies références un peu divergentes pour parfaire sa culture nouillesque.

- Antigone de la Nouille de Jean-Loup Chiflet, qui loin d'être un collier de nouilles n'en est pas moins rempli de perles, bêtisier de libraires et autre bibliothécaires, où se côtoient joyeusement "Thérèse Ramequin" et "L'archipel du goulash", "Cinzano de Bergerac", "Hamed de chez Kespeare", "Boule de snif" et tant d'autres.

- La confiture de nouilles
(Pierre Dac)

«La confiture de nouilles remonte à une époque fort lointaine; d'après les renseignements qui nous ont été communiqués par le conservateur du musée de la Tonnellerie, c’est le cuisinier de Vercingétorix qui eut, le premier, l'idée de composer ce chef d'œuvre de la gourmandise.

Avant de semer la graine de nouille, les nouilliculteurs préparent longuement le champ nouillifère pour le rendre idoine à la fécondation et versent sur toute sa surface de l'alcool de menthe dans la proportion d'un verre à bordeaux par hectare de superficie ; cette opération, qui est confiée à des spécialistes de l'école de Nouilliculture, est effectuée avec un compte-gouttes.

Après cela, on laisse fermenter la terre pendant toute la durée de la nouvelle lune et, dès l'apparition du premier quartier, on procède alors aux senouilles de la graine de nouilles.

La nouille, encore à l'état brut, est alors soigneusement triée et débarrassée de ses impuretés; après un premier stade, elle est expédiée à l'usine et passée au laminouille, qui va lui donner l’aspect définitif que nous lui connaissons ; le laminouille est une machine extrêmement perfectionnée, qui marche au guignolet-cassiss et qui peut débiter jusqu'à 90 kilomètres de nouilles à l'heure; à la sortie du laminouille, la nouille est automatiquement passée au vernis cellulosique, qui la rend imperméable et souple ; elle est ensuite hachée menu à la hache d'abordage et râpée. Après le râpage, la nouille est alors mise en bouteille, opération très délicate qui demande énormément d'attention ; on met ensuite les bouteilles dans un appareil appelé électronouille, dans lequel passe un courant de 210 volts ; après un séjour de douze heures dans cet appareil, les bouteilles sont sorties et on vide la nouille désormais électrifiée dans un récipient placé lui-même sur un réchaud à haute tension.

On verse alors dans le dit récipient du sel, du sucre, du poivre de Cayenne, du gingembre, de la cannelle, de l'huile, de la pomme de terre pilée, un flacon de magnésie bismurée, du riz, des carottes, des peaux de saucisson, des tomates, du vin blanc et des piments rouges ; on mélange lentement ces 7 ingrédients avec la nouille à l'aide d'une cuillère à pot et on laisse mitonner à petit feu pendant vingt et un jours. La confiture de nouilles est alors virtuellement terminée. Lorsque les vingt et un jours sont écoulés, que la cuisson est parvenue à son point culminant et définitif, on place le récipient dans un placard, afin que la confiture se solidifie et devienne gélatineuse ; quand elle est complètement refroidie, on soulève le récipient très délicatement, avec d'infinies précautions et le maximum de prudence, et on balance le tout par la fenêtre parce que ce n'est pas bon.

Voilà, mesdames et messieurs, l’histoire de la confiture de nouilles ; c'est une industrie dont la prospérité s'accroît d'année en année; elle fait vivre des milliers d'artisans, des ingénieurs, des chimistes, des huissiers et des fabricants de lunettes. Sa réputation est universelle et en bonne ambassadrice elle va porter dans les plus lointaines contrées de l'univers, par-delà les mers océanes, le bon renom de notre industrie républicaine, une et indivisible et démocratique


 
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