mardi 30 juin 2009

Aloys Zötl


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Le guépard, 7 avril 1837

Au début de l'hiver 1955, Aloys Zötl est un parfait inconnu.
Cependant il va sortir de l’anonymat les 14 et 15 décembre, quand la galerie Durand-Ruel expose cent cinquante de ses aquarelles en vue de leur vente à Drouot, le 19 du même mois, sous le marteau de Maurice Rheims.
Dans la Gazette datée du 9 décembre, un encart précise que "Les ravissantes et curieuses aquarelles [sont] à sujet de personnages et d’animaux, dont la plupart peuvent rappeler les oeuvres de Redouté ou du douanier Rousseau".
Le 23 décembre, on peut encore y lire que l’ "étonnante galerie d’histoire naturelle" a en effet suscité des enchères vivement enlevées –entre 7 000 et 190 000 francs, soit entre 140 et 3 700 euros– pour «des animaux qui semblent enfermés dans une profonde tristesse et qui exercent pourtant une étonnante fascination».

La seconde vente de l’atelier Zötl aura lieu le 3 mai 1956, avec d'autant plus de succès que le catalogue est cette fois-ci préfacé par André Breton.
"Faute de tout autre détail biographique en ce qui le concerne, on ne peut que rêver très librement à ce qui put conditionner l’entreprise de cet ouvrier teinturier de Haute-Autriche qui, de 1832 à 1887, mit un tel zèle à dresser le plus somptueux bestiaire qu’on eut jamais vu".
Breton écrit plus loin : « Zötl était entré en possession d’un prisme mental fonctionnant comme un instrument de voyance et lui dévoilant en chaîne jusqu’à ses plus lointains spécimens le règne animal, dont on sait quelle énigme il entretient en chacun de nous et le rôle primordial qu’il joue dans le symbolisme subconscient

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Le dronte, 5 juin 1859 - © Musée du Dodo

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Le caïman, 7 octobre 1849

Les détails de la vie d'Aloys Zötl ont finalement été retrouvés grâce à l'écrivain Vincent Bounourre, dans les archives de famille et les vieux papiers des états civils de deux villages de la Haute-Autriche.
Né à Freistadt -un bourg des contreforts des monts de Bohème- le 13 avril 1803, teinturier comme son père, il s’installe à Eferding, dans la vallée du Danube, à une quarantaine de kilomètres de son bourg natal.
Probablement n'est-il jamais allé jusqu’à Vienne, pas plus qu'à Linz pourtant proche.
Mais un beau jour d'octobre 1831, cet homme du commun reproduit une hyène d’après un des livres d’histoire naturelle, d’ethnographie ou de voyage, qui composent sa bibliothèque. Depuis ce jour il ne se lasse pas d'admirer et de peindre les animaux et leurs plumes, leurs fourrures, leurs livrées bigarrées.
Il n’est pas tout à fait fidèle à ses modèles, leur conférant ainsi cette inquiétante étrangeté qui -un siècle plus tard- subjuguera André Breton, le pape du surréalisme.
Les aquarelles s’enchaînent, toutes signées et minutieusement datées (le jour, le mois et l'année).
Son oeuvre ne connaît aucun changement, on peut permuter librement les dates sans jamais altérer son oeuvre, les dates notées dans les marges étant moins les éléments d'une chronologie que des prélèvements faits sur le calendrier, qu'il exécute avec le même scrupule qu'il a à porter ses dépenses et recettes sur les livres.
Zötl semble ne suivre aucune logique et alterne les différents genres du règne animal, et ce jusqu’au 3 octobre 1887, soit dix-huit jours avant son décès.

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Le boa constrictor, 16 mai 1836

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Le babiroussa, 5 novembre 1847

Dans le livre magnifique consacré à l’artiste par les éditions Franco Maria Ricci en 1976, Julio Cortázar souligne : "Au fond, nous ne savons rien des animaux et Zötl a infiniment raison de corriger la version officielle"...
Une version brochée est parue en 1979, en co-édition avec la Société Nouvelle des Editions du Chêne, accompagnée d'un texte d'introduction signé Giovanni Mariotti.

2 commentaires:

clothogancho a dit…

pas étonnant que le Cortázar du Bestiaire ou de Cronopes et fameux nous livre ce commentaire...
quel monde surprenant ! C'est la mise enscène végétale qui me happe, je pense au monde de la "selva" que l'on retrouve chez José Gamarra.

Sonja♥ a dit…

J'adore ce genre de dessins!!! On dirait "naïf" et pourtant très "scientifiques" car bourrés de détails.

 
[]